jeudi 30 septembre 2010

L’HISTOIRE  D’UN JOUR….

Les femmes ont mystérieusement disparu de la surface de la terre. Là au cœur de la forêt équatoriale, sur les rivages du fleuve Zembola où est établi le royaume de l’Ankara,  ce phénomène laisse perplexe le conseil des sorciers réuni depuis la matinée dans la hutte sacrée. Chacun y va de sa formule secrète la plus secrète, mais Bongabonga, orateur éternel du royaume des ancêtres semble avoir perdu sa langue.
Aucun signe, aucun indice, rien que le vide ! Il s’en trouve qui voudraient bien tricher en improvisant des petits tours rassurants, mais quel féticheur se risquerait à duper tout un conseil de féticheurs?
Tous n’ont d’autre choix que de se rendre à l’évidence : le mystère de cette disparition et opaque
Devant la gravité de la situation, le roi « Ankorio premier » a jugé bon de rassembler tous les hommes du village (d’ailleurs il ne lui reste que des hommes) pour un extraordinaire conseil de guerre. Visiblement accablé par le sort, lâché par les ancêtres et désillusionné par l’incompétence manifeste des meilleurs sorciers du royaume, le détenteur du pouvoir s’est résolu à prendre le taureau par les cornes :
« Peuple d’Ankara, mâles du royaume et piliers de mon règne, je vous salue ! »
Un silence de cathédrale règne dans la cour. Les piliers doutent cette fois-ci de leur piliésité. On entend au loin le cri plaintif de Zogo le meilleur chien de chasse du village, qui s’est enfoncé à grande vitesse dans la forêt, visiblement à la recherche de sa femelle. Mais la foudre des ancêtres a été impitoyable : pas l’ombre d’un sexe féminin à l’horizon. La poule du tambourinaire royal qui couvait cinq œufs à disparu en même temps que trois d’entre eux. On peut conclure que les deux œufs restants portaient les germes de la masculinité.
« L’histoire retiendra qu’en ce jour, notre royaume a été frappé par un mal inconnu, un phénomène mystérieux qui nous prive de la présence de toutes les femelles du royaume. J’ai consulté tous nos anciens et tous les sages de la cour, et puis donc vous confirmer que jamais pareil phénomène ne s’est produit de mémoire d’habitant.
Plutôt que de  nous apitoyer sur notre sort, nous avons la responsabilité historique de prendre les décisions qui s’imposent et d’organiser la vie du village, malgré l’absence des femmes :
Pour commencer, Je vais réhabiliter dans ses fonctions mon ancien conseiller personnel, le notable Pindenga que le conseil avait banni du royaume pour avoir accusé le roi de forniquer avec sa femme. Dans l’état actuel des choses, la femme disputée s’étant volatilisée comme toutes les autres, il devient dénué de sens que survive un différend né autour d’elle.
Dans la continuité de cette mesure, le forgeron kokoro ne devrait plus surgir de sa forge armes à la main dès qu’il aperçoit la silhouette de Ziko le pêcheur. Il me semble bien que la belle Limba qui déchira leur amitié ne soit plus du village.
Par contre, il devient plus qu’urgent d’isoler certaines personnes. Nous savons tous que le chasseur Embokelé avait coutume de décharger sa frustration sur sa femme en rentrant bredouille de la chasse. A première vue, le concerné n’est pas le meilleur lutteur du village. Je suis donc en droit de craindre le pire s’il lui venait à l’esprit de s’en prendre à l’un des mâles ici présent.
Chers frères, je me demande s’il est donné à chacun d’entre nous de mesurer à quel point les dieux ont été bien cruels avec nous. Le foufou que m’a servi l’un des courtisans à la mi-journée aujourd’hui m’a empli le ventre de farine de manioc. J’ai du avaler un grand bol d’eau chaude dans l’espoir que la farine voudra bien devenir foufou là-dedans.
Ma survie dépend donc désormais de Longélé le tisserand. Nombreux sont ceux qui se repentiront d’avoir si souvent dénigré Longélé parce que sa femme le faisait cuisiner. En le nommant cuisinier de la cour, je ne fais que reconnaître au concerné une élévation que le destin lui a reconnu depuis ce matin : il est en effet le seul d’entre nous qui connaisse les secrets de la marmite.
Je suis dans l’obligation d’éprouver une vive inquiétude quand à la propreté des hommes de ce village. Mon conseiller social me faisait part récemment d’une pratique qui a élu domicile dans vos foyers. Il semble bien que pour vous inciter à prendre bain, vos femmes aient pris l’habitude de vous plonger dans des gros fûts d’eau chaude où vous vous laissiez éponger tranquillement pendant des longues heures. Je ne puis qu’éprouver le regret de voir disparaître la reine avant que cette pratique révolutionnaire n’ait franchi les portes de mon palais.
Je me demande cependant si, compte tenu des circonstances, il ne serait pas judicieux que ceux d’entre vous ayant bien observé leurs femmes soient invités à la cour ce soir pour me donner à éprouver leur science du bain...
Une proposition certainement de trop...les hommes se retirent l’un après l’autre, sans mot dire, chacun marmonnant des insanités sur la déviance morale du souverain d’Ankara...
Laurent KASINDI
Assistant de Production SFCG/RDC

P.S: Nous disons merci à Laurent KASINDI, notre collaborateur qui a voulu publié son texte dans notre blog. Nous lui souhaitons plain succès dans son travail de journaliste-producteur.
Dominique  KALONZO
Journaliste-reporters/RDC

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